Nous vivrons proclame la puissance du dessin, plus direct, plus vrai que l’image photographique et sa prétendue objectivité. La dimension allusive, l’audace caricaturale des croquis, que rehausse une touche d’aquarelle bleue, vont à l’essentiel. Parfois, suspendant la narration, l’artiste s’offre une pleine page de respiration dans laquelle l’innocence, la vie reprennent leurs droits. On y voit des mainates picorant des tartines, le comédien Itzik Cohen assailli par des gosses hilares, Mia Schem, otage du Hamas libérée, la belle Ingrid, notre sœur lointaine, qu’on a envie d’aimer inconditionnellement, ou encore ce «truc de ouf»: une colonie de chauves-souris à Jaffa.
«Je manque de compétences en carnage», rappelle Joann Sfar. Descendu dans le sud d’Israël, il arpente le terrain du festival Nova où le Hamas a mené l’assaut. Là, il n’a rien dessiné, rien photographié. Il se représente juste en état de sidération. Ses yeux vides et grands comme des soucoupes expriment l’indicible.